Le détourné : Siéyès


 Mardi 27/04/2021 - Temps de lecture 3 minutes :


Emmanuel-Joseph Siéyès par Jacques Louis David 

        Il fallait bien qu’on s’y attaque un jour ou l’autre... Siéyès est un essayiste, homme politique et philosophe français né en 1748 et mort en 1836. Vous avez sûrement déjà entendu parler de Siéyès dans vos débats entre amis chers et chères philosophes. Néanmoins, la vision politique de Siéyès est souvent mal interprétée par les mauvais philosophes que vous êtes !😝

  Une vie

         L’abbé Siéyès naît dans une famille aisée. Il a la chance de réaliser ses études au célèbre séminaire Saint-Sulpice de Paris. Il mène alors une vie paisible d’homme d’Église. Il fut prêtre, puis chanoine attaché à l’évêque de Lubersac, mais aussi aumônier de la tante de Louis XVI, etc. Lui qui était, prêtre, rien ne le prédestinait à la notoriété. Néanmoins, en 1788, il devient célèbre pour son Essai sur les privilèges. Cette notoriété sera parachevée par un nouvel essai, Qu’est ce que le Tiers-Etat ?. Chers et chères philosophes, je voudrais néanmoins préciser que « célèbre » au XVIIIe et XIXe siècles, ne revient qu'à être connu parmi une poignée d’intellectuels. L’abbé Siéyès n’était pas Aya Nakamura.  


     Après cette petite précision, revenons en à Emmanuel. Siéyès est un révolutionnaire passionné. Il s’engage en tant que député du Tiers état de Paris aux États généraux. Il jouera même un rôle important dans le parti patriote ! 

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Emmanuel-Joseph Siéyès, député 


        
Aussi, il mènera tranquillement sa vie de révolutionnaire et participera en 1793 à la rédaction du Journal d’instruction Sociale aux côtés de Condorcet et Duhamel ! (ce n’est pas le même Duhamel qu’aujourd’hui...). La carrière politique de Siéyès est fulgurante, il sera nommé ambassadeur de France en Prusse en 1798. À son retour de Berlin, il est élu membre du Directoire. C’est par ailleurs lui qui fait revenir Bonaparte en juillet 1799. Je pense très chères/chers philosophes que vous avez compris que c’est Siéyès qui est à l’origine du coup d’état du 18 Brumaire ! En effet, il fait partie des trois Consuls du Consulat avec Napoléon Bonaparte et Roger Ducos. Vous savez, ces deux consuls dont votre professeur d’histoire vous dit toujours « oui, il faut connaître Bonaparte, les autres, on ne les apprend pas... ». Et bien, il y avait notre cher Siéyès dans ce consultat.


        Désormais, peut-être vous demandez-vous s’il est devenu dictateur, roi de France, tyran ? Et bien non, son génie politique prend fin ici. Après s’être fait devancé par Napoléon Bonaparte, il n’héritera que d’un titre de comte d’Empire et d’un lopin de terre. Il sera tenu à l’écart de la Première Restauration, et il fuira la Deuxième Restauration en Belgique. Il meurt en 1836, en pleine monarchie de Juillet. 
Siéyès en tenu de Directeur 

        Mes très chères/chers philosophes, j’espère que ce petit récapitulatif historique vous aura plus. Je sais du moins que nos camarades historiens en seront ravis ! Connaître l’histoire de Siéyès permettra de mieux comprendre ses idées philosophiques. Car faire de la philosophie politique, c’est bien, mais être un grand homme politique en plus, c’est mieux !  

Une haine de la noblesse ; et du peuple  

           Emmanuel-Joseph Siéyès avait une profonde haine pour la noblesse. Il disait par ailleurs qu’il fallait expulser du territoire national ceux qui se sentaient comme supérieurs de par le sang ! Siéyès était profondément opposé à la démocratie libérale, il voulait une démocratie représentative (on consacrera un article entier à la démocratie depuis Platon, ne vous inquiétez pas !). En effet :

« Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. »

— Discours de Siéyès du 7 septembre 1789

Portrait de Jean-Jacques Rousseau par de La Tour

        C’est cette prise de position qui fait de Siéyès, en Philosophie politique, l’anti-Rousseau. En effet, si notre cher Jean-Jacques Rousseau était un passionné de démocratie directe et libérale, Siéyès ne croit pas en la capacité du peuple à se gouverner lui-même. Pour lui, il faut opter pour une démocratie représentative. Pour rappel, dans le système représentatif, le peuple élit des représentants qui, eux, décident des lois qui s'appliquent, alors que la démocratie directe suppose que le peuple décide des lois qui lui sont appliquées directement, sans intermédiaire. Pour les plus aguerris en philosophie politique, on pourrait parler de souveraineté nationale dans le cas de Siéyès, et de souveraineté populaire dans le cas de Rousseau ! De même, Siéyès était un partisan du suffrage capacitaire (seuls, les plus intelligents votent). Avant de conclure, nous pourrions quand même ajouter que Siéyès est le premier à écrire noir sur blanc le terme de sociologie. Même s'il ne développera pas cette notion (Il faudra attendre Auguste Comte pour cela), il est intéressant de voir que le théoricien du Tiers-Etats à créer une telle notion.

        Petite mise au point cependant, Siéyès ne veut pas d’aristocratie comme certains (mauvais) amateurs de philosophie politique vous le diront. Il est un fervent démocrate. Il croit en la volonté du peuple comme Rousseau ou Aristote. Néanmoins, pour lui, le peuple ne peut pas décider, donc il faut l’aider. Mais la volonté populaire originelle demeure. 



Illustration :

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